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Interview : "La surveillance de masse est devenue le modèle économique de l'Internet"

Après l'affaire Facebook-Cambridge Analytica, Bernard Benhamou, Secrétaire général de l'ISN appelle à une nouvelle génération de technologies de protection de la vie privée.

Extrait :

Bernard Benhamou est secrétaire général de l'Institut de la souveraineté numérique, un institut privé qui a vocation à réfléchir aux enjeux européens de souveraineté numérique et, plus largement, aux questions de régulations et de relations internationales dans ce domaine.

Le Point.fr : Pourquoi le fait que l'entreprise Cambridge Analytica ait utilisé les données d'utilisateurs à leur insu sur Facebook est-il une affaire d'importance ?

Bernard Benhamou : Cette affaire est importante parce qu'elle se produit après de nombreuses controverses sur la gestion abusive des Gafa en matière de données personnelles. De surcroît, elle symbolise tous les dysfonctionnements possibles dans ce domaine et leurs conséquences parfois extrêmement inquiétantes sur le plan économique, mais aussi, et surtout, sur le plan démocratique. C'est ni plus ni moins le devenir politique de la première puissance mondiale qui pourrait s'être joué de manière frauduleuse entre les murs de Cambridge Analytica… De plus, on découvre aujourd'hui que cette société utilisait des méthodes quasi mafieuses d'intimidation, de chantage ou de prostitution pour arriver à ses fins politiques.

Mais c'est aussi tout le modèle économique de sociétés comme Facebook ou Google basé sur le profilage (dans ce cas, on parle de « microtargetting ») des utilisateurs qui pourrait se trouver remis en cause à l'issue de cette affaire.

Qui est le véritable fautif dans l'histoire ? Facebook s'estime aujourd'hui « scandalisé » de s'être laissé tromper.

Il est désormais évident que les dirigeants de Facebook ont fait preuve d'un extraordinaire mélange d'incompétence, de légèreté ou même de complaisance vis-à-vis de leurs responsabilités sociales et politiques. Et il est encore trop tôt pour savoir si Facebook prendra ou non les mesures adéquates pour éviter qu'un tel scandale se reproduise. Cependant, on peut déjà remarquer que le modèle économique même de Facebook rend ce type d'intrusion hautement possible et profitable. En effet, comme le disait l'expert en cybersécurité Bruce Schneier, la surveillance de masse est devenue le modèle économique de l'Internet. C'est ce modèle économique quasi unique qui fait désormais l'objet d'attaques des deux côtés de l'Atlantique. Le dévissage boursier de l'action Facebook en est d'ailleurs l'un des signes ; les investisseurs pensent désormais que c'est une refonte complète de ce modèle qui sera nécessaire pour limiter les risques à l'avenir…

L'article comlet sur le site du Point.